A priori, le plastique biodégradable semble très intéressant pour remplacer les articles en plastique traditionnel. C’est pourquoi plusieurs voient d’un bon œil les produits en plastique biodégradable qui envahissent graduellement les tablettes des magasins. Sacs poubelles, pellicule alimentaire, ustensiles, assiettes, verres jetables, barquettes pour les plats à emporter et bouteilles d’eau sont autant d’objets qu’on propose maintenant en version biodégradable.
Mais les plastiques biodégradables sont-il vraiment avantageux d’un point de vue environnemental ? Et saviez-vous qu’il y en a deux sortes bien différentes ? J’ai demandé à Sophie Taillefer de RECYC-QUÉBEC de faire la lumière sur ce sujet.
Biodégradable 101
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La biodégradation c’est tout simplement la décomposition complète de la matière organique par des micro-organismes, comme des champignons microscopiques ou des bactéries, qui ont besoin de cette matière pour se nourrir et se reproduire. Selon les conditions (présence d’oxygène, de chaleur et d’humidité, par exemple), la biodégradation sera plus ou moins rapide. En fait, c’est ce qui se passe quand on fait du compost. Mais attention, car « le compostage est une forme de biodégradation en vitesse accélérée », explique Sophie Taillefer. Une précision importante, car pour qu’un produit soit composable, il doit se biodégrader au même rythme que les végétaux. La norme sur la biodégradation des plastiques par compostage exige qu’un produit se biodégrade à 90 % à l'intérieur d'une période de 180 jours (environ 6 mois).
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Plus de gaz à effet de serre
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Sur certains sacs en plastique biodégradable, on peut lire la mention « ce sac se dégrade dans les 12 mois ». Mais qu’arrive-t-il quand les produits biodégradables se retrouvent à l’enfouissement, au Québec ? « Dans la plupart des sites d’enfouissement, on compacte la matière pour qu’elle occupe moins de place. Donc, il y a de moins en moins d’oxygène. La biodégradation se fait de façon beaucoup plus lente par des micro-organismes qui vivent sans oxygène. Ces micro-organismes génèrent du méthane quand ils décomposent la matière. Or le méthane est un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le CO2 », explique Sophie Taillefer. Les plastiques biodégradables qui se retrouvent à l’enfouissement contribuent donc au réchauffement climatique.
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Pas mieux que le plastique traditionnel
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En échangeant les plastiques traditionnels par des plastiques biodégradables, on échange aussi un impact environnemental par un autre qui pourrait avoir davantage de conséquences, à l’heure des changements climatiques. En effet, le plastique traditionnel génère peu de gaz à effet de serre car il est très stable et qu’il prend des centaines d’années à se biodégrader dans un site d’enfouissement. Par contre, il prend de la place ! Conclusion : les plastiques biodégradables, tout comme les plastiques traditionnels, ne devraient pas terminer leur vie à l’enfouissement car ce n’est pas une solution intéressante d’un point de vue environnemental.
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Deux grandes catégories de plastique biodégradables
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En plus, il faut savoir qu’il y a deux grandes catégories de plastiques biodégradables : les plastiques oxo-biodégradables et les plastiques d’origine végétale dits « compostables ». Les deux ont des propriétés très différentes et il est donc important de les distinguer.
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1. Le plastique oxo-biodégradable
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On le reconnait par la mention « oxo-biodégradable » ou « biodégradable » sur l’étiquette, l’emballage ou le produit lui-même. On le fabrique avec du plastique traditionnel auquel on ajoute un additif à base de métaux pour qu’il se fragmente en fin de vie avant d’être ultimement biodégradé.
L’oxo à l’enfouissement: Qu’arrive-t-il s’il se retrouve à l’enfouissement ? « À l’enfouissement la matière est compactée, il n’y a pas d’oxygène, la biodégradation est très lente et il y aura génération de méthane », rappelle Sophie Taillefer.
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Recyclable, vraiment ?: Sur certains produits en plastique oxo-biodégradable on peut lire la mention « recyclable ». Mais est-ce vraiment le cas ? Rien n’est moins sûr, selon Sophie Taillefer. « C’est incertain. Pour l’instant, on ne sait pas si les plastiques oxo-biodégradables sont compatibles avec le recyclage des plastiques traditionnels. S’ils se retrouvent dans la filière de recyclage avec d’autres plastiques et qu’on en fait un nouveau produit, comme un banc de parc, et qu’il perd ses propriétés, ça peut être problématique », explique-t-elle. C’est la raison pour laquelle RECYC-QUÉBEC travaille au développement d’une certification des sacs recyclables pour s’assurer que ce qui est en circulation sur le marché est vraiment recyclable. Cette certification pourrait par la suite être appliquée à tous les produits en plastique recyclable.
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L’oxo-biodégradable : non compostable: Les plastiques oxo-biodégradables ne répondent pas aux exigences du compostage. « Ils ne se dégradent pas au même rythme que la pelure de banane ou le cœur de pomme. Et le contenu en métaux provenant de l’additif peut être problématique », précise Sophie Taillefer. Les mettre dans le bac brun affecterait donc la qualité du compost.
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Conclusion sur les plastiques oxo-biodégradables: À moins de preuve du contraire, les plastiques oxo-biodégradables sont :
• Non recyclables,
• Non compostables.
• Ils finissent donc leur vie à l’enfouissement où ils génèrent plus de gaz à effet de serre que les plastiques traditionnels.
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On peut donc se questionner sérieusement sur leur utilité.
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2. Le plastique compostable
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Le deuxième type de plastique biodégradable qu’on retrouve sur le marché est un plastique d’origine végétale qu’on appelle communément le « plastique compostable ». Pour le fabriquer, on utilise généralement de l’amidon de maïs ou de la canne à sucre qu’on transforme en résine avant d’en faire des produits. On peut le reconnaitre par le terme « compostable » sur l’emballage. Il faut cependant s’assurer que le produit est réellement compostable en recherchant un logo de certification, comme celui du Bureau de normalisation du Québec.
Le compostable à l’enfouissement: On pourrait croire que les plastiques d’origine végétale sont plus intéressants que les plastiques oxo-biodégradables à l’enfouissement, mais ce n’est pas le cas. « Comme pour les autres plastiques biodégradables, on va avoir un impact au niveau des changements climatiques. La biodégradation des produits compostables va être très lente dans un site d’enfouissement et il va il y avoir génération de méthane. Ils ne sont donc pas destinés à l’enfouissement », insiste Sophie Taillefer.
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Pas pour le bac vert: Les plastiques compostables ne sont pas non plus destinés à être recyclés avec les plastiques traditionnels. « Si on les met au bac de récupération, ils peuvent être un contaminant pour les autres plastiques recyclables », précise Sophie Taillefer. Le compostable, ce n’est donc pas pour le bac vert !
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Au compost industriel: L’intérêt des plastiques compostables est réel si le produit est composté en fin de vie. Pour ça, il faut avoir accès à une collecte des matières organiques municipales. En effet, on ne devrait pas mettre des articles en plastique compostable dans un composteur domestique car le compost maison n’atteint pas une chaleur suffisamment élevée pour qu’ils soient vraiment biodégradés. Plusieurs municipalités recueillent les matières organiques dans un sac compostable mais, pour ce qui est des ustensiles et des couverts, des barquettes de biscuits et des bouteilles, il faut s’assurer que la municipalité les accepte avant de les mettre au bac brun.
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Conclusion sur les plastiques compostables: Les plastiques compostables sont :
• Non recyclable.
• S’ils finissent leur vie à l’enfouissement où ils génèrent plus de gaz à effet de serre que les plastiques traditionnels.
• Mais, ils sont très intéressants là où les municipalités les compostent.
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Que faire, comme consommateur ?
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Finalement, les plastiques biodégradables ne sont pas aussi verts qu’on pourrait le penser, sauf les plastiques compostables lorsqu’ils sont véritablement compostés en fin de vie.
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Selon Sophie Taillefer, « Les consommateurs devraient privilégier les produits durables, comme les gourdes et la vaisselle. En seconde option, choisir des produits en plastique recyclable pour lesquels il y a déjà une filière de recyclage. Et enfin, choisir des produits à contenu recyclé ». On revient au 3R : réduire, réutiliser et recycler
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Pour plus d'infos sur le sujet, veuillez consulter les liens ci-dessous:
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