En réaction au billet
Bioplastique : Crime contre l'humanité ??? rapportant les propos de Philippe Starck sur les biomatériaux, plusieurs professionnels ont réagi. Je partage avec vous quelques uns de leurs points de vue.
L.B : Oui, nous sommes dans un monde où certains peuvent se permettre de dire haut, fort (et cher) des âneries d'imprécision qui peuvent malheureusement s'avérer dévastatrices; pour certains, la "réussite" ne passe pas par la science de l'exactitude.
Maintenant, je garde espoir car les médias, dans leur ensemble, diffusent largement et assez bien dans la plupart des cas, un certain nombre d'informations (livres, émissions radio, télévisées) sur les problèmes environnementaux et de société. Il y a une réelle prise de conscience ! Consommateurs que nous sommes, nous essayons progressivement de faire mieux pour la Planète.
Je crois que nous pouvons, même si cela est difficile, chaque jour agir.
Pour revenir au slogan, en très peu de temps il sera vu comme une grossière erreur de jugement ; à moins que ce slogan ne fût soufflé à l'intéressé par l'industrie pétrochimique des plastiques pour médiatisation...
Le monde du pétrole et ses conséquences environnementales et humanitaires n'est-il pas un crime contre l'humanité?
Hélas nous n'avons pas tous les mêmes moyens pour se faire entendre.
C.P : La problématique de l'utilisation de ressources alimentaires et de surfaces agricoles potentiellement exploitables pour la culture de ressources alimentaires m'interpelle depuis des années, bien avant les émeutes de la faim de 2008. Pour autant, à moins de supprimer toute idée de déplacement et de consommation, la recherche d'alternatives à l'utilisation des ressources fossiles est incontournable.
S'agirait-il de consacrer des territoires entiers à la culture de végétaux destinés à notre seul plaisir ? je crois en effet que c'est déjà le cas, au regard des surfaces mondiales consacrées à la culture du café, par exemple. A ce titre, boire du café est un crime contre l'humanité.
Cette prise de conscience, tardive chez certain semble-t-il, pourra peut être servir d'autre causes :
- Encourager l'agriculture vivrière, créatrice de valeur et d'emploi, sur la surface du globe
- Enterdire la spéculation boursière sur les ressources alimentaires (à l'origine de la crise alimentaire en 2008, le blé étant une valeur refuge !)
- Encourager la sobriété dans notre consommation d'énergie et de matériaux au quotidien
- Valoriser les déchets de notre grande industrie agro-alimentaire (combien de ressources alimentaires et de territoires gâchons nous dans nos processus de commercialisation et de transformation !)
Mais peut-être que ce projet, que je porte depuis plusieurs années, et pour lequel j'envisage de nouvelles perspectives plus éthiques et écologiques, est voué à l'échec.
A l'échelle mondiale, les conflits et les guerres sont localisés principalement sur les sources d'énergies : le pétrole aujourd'hui. On observe également un nouveau type de colonisation, industriel et agricole, de pays en croissance forte (la Chine, l'Inde), vers les territoires agraire de pays plus pauvre (Afrique notamment).
C'est maintenant que les questions de l'agro-énergie et des agro-matériaux doivent être envisagées, avant qu'elle ne se décide dans l'ombre.
Ces questions dépassent largement ma petite initiative professionnelle et personnelle.
C.B : Les propos de Philippe Starck sont intéressants (mais à replacer dans le contexte). Il m'inspire quelques remarques. On peut noter que :
- Le problème est complexe, il est nécessaire de ne pas le simplifier (prendre en compte l'ensemble du cycle de vie d'un produit) pour éviter les raisonnements incomplets et simplistes,
- Il existe un problème de vocabulaire (les produits de la pétrochimie sont des bienfaits mais les biomatériaux (tel que le bois) sont un crime),
- Notre société à un comportement addictif (vis à vis de l'eau, l'alimentation, l'énergie et les matériaux / nous avons besoin de nos doses journalières...),
- Il existe des groupes de pression efficaces (la vérité n'existe pas mais quand même),
- Il sera demain nécessaire de faire des choix de société (continuer ou non à manger du bœuf, à se déplacer en avion, à porter des chemises en fibres végétales, à détruire les terres agricoles, à réaliser des déchets "durables", à dépendre du pétrole, à surconsommer...)
* ...
Pierre Feuilloley : Voici ce qu’on pourrait conseiller à monsieur Philippe Starck de bannir de ses projets de designer et de sa vie quotidienne:
Bannir le coton : des millions d’hectares ont été créés du temps de l’URSS en Asie centrale pour cultiver du coton irrigué par le détournement complet de 2 fleuves qui alimentaient la mer d’Aral, provoquant sa disparition et la plus grande catastrophe écologique de tous les temps. De même des milliers d’agriculteurs en Inde sont ruinés pour avoir semé des cotons transgéniques dont ils ne peuvent pas acheter les désherbants spécifiques. Le coton est une des plantes les plus gourmandes en eau et en pesticides.
Bannir aussi le chanvre, le lin, le sisal… et toutes les plantes qui donnent des fibres textiles et qui comme le coton immobilisent des surfaces qui pourraient être consacrées à des plantes alimentaires.
Bannir les bois exotiques (le teck par ex) qui proviennent de la déforestation et du pillage des forets tropicales et équatoriales.
Bannir les aliments à base d’huile de palme dont les palmiers à huile sont plantés sur des forets tropicales défrichées par des incendies gigantesques. Cette huile à bas prix mais de qualité médiocre, concurrence les huiles alimentaires traditionnelles (colza, tournesol...).
Bannir de tabac qui est toxique , cancérigène , vendu le plus légalement du monde et dont les cultures immobilisent des surfaces qui pourraient être consacrées à des plantes alimentaires. Dans ce cadre rentrent les cultures destinées à fournir de la drogue (chanvre indien, pavot, etc.).
Bannir le chocolat car les petits exploitants africains planteurs de cacaoyer sont ruinées par la spéculation des grands groupes de l’agroalimentaire.
Bannir le thé, le café dont la culture est finalement inutile car elles donnent des boissons sans intérêt énergétique alimentaire. Là aussi ces cultures immobilisent des surfaces qui pourraient être consacrées à des plantes alimentaires.
Bannir les cultures florales que l’on produit pour notre plaisir des yeux et du nez. Je suggère à ce monsieur de ne plus offrir de fleurs à sa fiancée ni de parfum. Là aussi ces cultures immobilisent des surfaces qui pourraient être consacrées à des plantes alimentaires, et elles sont très exigeantes en énergie (la plupart sont produites sous serres chauffées).
Et l’on pourrait continuer cette liste des crimes contre l'humanité.
De tous temps l’homme à cultivé des productions non alimentaires dites « cultures industrielles » sans que cela soit choquant. Cultiver du blé ou du mais pour produire de l’amidon ou des bioplastiques n’est pas plus choquant que de cultiver du coton.
Le problème n’est finalement pas là. Nous sommes 6 milliards sur Terre, et nous seront 12 milliards dans 20 ans. Comment nourrir ces habitants ? Convertir les surfaces actuellement immobilisées par les cultures industrielles ne suffira pas, surtout dans le contexte actuel de changement climatique. C’est une politique mondiale d’éducation (le consommateur devra changer ses habitudes alimentaires, l'agriculteur devra changer ses systèmes culturaux) et de planning familial qu’il faudrait mettre en place, car notre Terre va devenir trop petite. Philippe Starck pourrait peut être se pencher sur le design de notre future société à mettre en place.
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